COMMENT LE CONCEPT DE BLACK ART A-T-IL ÉCLOS ?
La paternité du concept de Black Art revient largement à Jim McEwan. Pour lui, c’était un moyen plus qu’une fin en soi : il s’agissait d’explorer le bois pour s’adonner à divers assemblages et exprimer tout ce que le fût peut apporter à la fabrication du whisky. Jim, véritable légende du monde du whisky, a débuté sa carrière comme tonnelier. Bien qu’il ait géré des distilleries et occupé tous les postes, il avait une passion particulière pour le vieillissement.
Lorsqu’il a rejoint la distillerie Bruichladdich, celle-ci souhaitait expérimenter de nouveaux types de fûts. C’est alors qu’ils ont eu la possibilité de commencer à acheter des fûts de certains des plus grands châteaux bordelais et du monde entier, et ainsi, de profiter de flaveurs qui n’était pas encore utilisées dans l’industrie du whisky. La qualité du chêne était absolument phénoménale.
Le chêne français est très différent du chêne américain, qui était utilisé par 99,9 % de l’industrie du whisky, à l’époque. Le goût de l’exploration et du défi est fortement enraciné dans les origines de la distillerie, et dans celles de Black Art. L’idée était de tenter de nouvelles choses afin de voir jusqu’où elles pourraient nous mener en termes de saveur.
Pour ma part, je sais que si je prends un spiritueux Bruichladdich vieilli dans un « hogshead » de bourbon de re-remplissage de facture classique, pour le transvaser dans un ex-fût de vin rouge en merveilleux chêne français, mon whisky va tout de suite commencer à prendre les fabuleuses notes fruitées et brûlées du vin. Ensuite, la structure et la qualité du chêne continueront de lui donner forme... pour en faire quelque chose de complètement différent, une flaveur toute nouvelle. Les éléments qui se développent alors sont tellement nombreux que l’on se détourne complètement du profil de maturation précédent.
Quand Jim pratiquait ces assemblages, il transférait les whiskies dans certains fûts, auxquels il ajoutait au fur et à mesure couche sur couche d’arômes, pour créer des whiskies encore jamais goûtés auparavant. Toutes ces flaveurs réunies donnaient l’impression d’un ouragan de créativité.
Le concept de Black Art était né. C’est Jim qui a eu l’idée de le nommer ainsi car un jour, quelqu’un lui avait demandé : « Jim, qu’est-ce que tu fais ?» et il avait répondu : « Je ne peux pas te le dire. C’est un secret. Il faut que tu me fasses confiance. »
Cet art, ce secret, offrait une occasion de tester des choses encore jamais réalisées. Plus nous disions : « Nous ne vous révélerons rien, laissez-nous faire ! Vous n’avez pas besoin de savoir, contentez-vous de le déguster », plus nous étions libres d’explorer la multitude de flaveurs disponibles dans les centaines de types de fûts différents. Black Art est donc une sorte de cheminement instinctif à travers toute la palette d’options possibles. Si toutes les éditions Black Art partagent une histoire et un ADN communs, chacun de ces whiskies est inimitable et unique.
EN TANT QUE PROJET, BLACK ART A UNE BELLE LONGÉVITÉ : IL A ÉTÉ INITIÉ PAR VOTRE PRÉDÉCESSEUR, ET LES FÛTS QUE VOUS ENTREPOSEZ AUJOURD’HUI SERONT ROUVERTS PAR VOTRE SUCCESSEUR. QUE RESSENTEZ-VOUS, À L’IDÉE DE VOUS INSCRIRE DANS CET HÉRITAGE ?
Pour moi, cela dépasse le cadre de Black Art : c’est l’essence même de la distillation.
C’est l’une des beautés de la chose. Vous vous en apercevez très rapidement, la première fois que vous pénétrez dans un chai et que vous commencez à déplacer des tonneaux qui ont été entreposés là avant même votre naissance.
Je sais que ce n’est pas moi qui mettrai en bouteille les cuvées entreposées aujourd’hui.
Jim me disait toujours, et je pense en avoir toujours été conscient, que le rôle du maître distillateur consiste à veiller sur la distillerie pour la génération suivante, à la laisser en meilleure condition qu’à l’origine.
Quand Jim et Duncan (McGillivray) ont ramené Bruichladdich à la vie, ils voulaient avant tout la remettre sur pied. Maintenant, je vois à quel point ils se sont donné du mal pour nous faciliter les choses au moment d’assumer nos fonctions, Allan (Logan) et moi. Selon moi, nous faisons le même travail : nous cherchons à développer la distillerie Bruichladdich et à bâtir de nouvelles fondations pour la génération future.
Les défis qui se présentent à nous en ce moment même sont intéressants (pour ne pas dire : terrifiants...). Face aux préoccupations liées à la durabilité et au changement climatique, nous devons impérativement réfléchir et évoluer différemment. Comment allons-nous préparer cette distillerie à relever les difficultés de demain, pour les générations futures ?
Black Art m’apparaît comme une solution, mais cela va bien au-delà de Black Art : c’est l’essence même de la distillation. Un voyage dans le temps, en quelque sorte.
CE PROJET SEMBLE RELEVER AUTANT DE LA BÉNÉDICTION QUE DE LA MALÉDICTION : CAR BIEN QUE VOUS AYEZ UNE LIBERTÉ DE CRÉATION TOTALE, IL VOUS OBLIGE À RÉALISER QUELQUE CHOSE DE FABULEUX À CHAQUE FOIS. COMMENT SURMONTEZ-VOUS CETTE PRESSION ?
Je ne vois pas vraiment cela comme une pression. Il faut se souvenir que nous ne nous concentrons pas sur un moment en particulier de la chronologie du whisky, mais sur la culture de l’orge, sur la façon dont le spiritueux est distillé, sur le fût dans lequel nous le versons, les distillats que nous assemblons et transférons vers un autre fût... À chaque étape du processus, le whisky est contrôlé afin d’offrir le meilleur de lui-même en tout point de sa fabrication. Ainsi, au moment d’assembler un Black Art, je n’ai vraiment aucune inquiétude à avoir. Je sais tout le travail que nous avons effectué en amont et je sais donc que je pars d’ores et déjà sur un produit d’excellence.
Pour Black Art, je me penche parfois pendant sept ou huit ans sur la recette, parfois plus, avant qu’il ne soit mis en bouteille.
Je ne le ressens pas comme un poids ; plus comme une agréable sensation de ne pas savoir à quoi le résultat ressemblera. En chemin, on est bien sûr guidé par l’expérience et la connaissance. On sait ce que l’on cherche à atteindre, mais on ne découvre véritablement le whisky que lorsque le processus est fini. Il faut prendre des risques : personne n’a jamais rien accompli de grandiose en répétant toujours la même chose. Il faut tenter la nouveauté. C’est l’état d’esprit que l’on m’a transmis. Pour la distillerie, c’est certainement quelque chose de naturel, car elle a toujours procédé ainsi.
Si vous ressentez une forme de pression face à cette liberté de création, il faut sans doute changer de métier. Cela doit au contraire être un plaisir. Tenter de nouvelles choses et voir ce qu’elles donnent : c’est l’essence de Black Art.
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