PRÉPARATION DU TERRAIN À SHORE HOUSE CROFT


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Qu’est-ce qu’une distillerie peut bien faire avec 12 hectares de terrain ?

Peu après avoir fait l’acquisition de Shore House Croft, en 2018, nous avons invité à Islay des malteurs, des distillateurs, des agriculteurs, des éleveurs, des universitaires et des agronomes pour nous informer et nous aider à répondre à cette question.

Nous avions toujours été intéressés par l’idée de tester le concept de terroir dans le monde du whisky ; c’est-à-dire la façon dont la saveur d’un whisky peut dépendre du lieu et du mode de culture de son ingrédient principal : l'orge. Certains nous accuseront de faire de l’orge une véritable obsession. Car en effet, en plus d’être scrupuleusement attachés à l’endroit où notre orge pousse et à la construction de relations avec ceux qui la cultivent, nous explorons des variétés moins communes en vue de les distiller, des variétés d’orge passées de mode depuis les années 1970, si ce n’est depuis le XIXe siècle. Nous tenons également à ce que le travail de l’orge soit viable pour nos partenaires locaux, en trouvant ou en développant des variétés particulièrement adaptées au biome de l’île d’Islay, et en créant un marché pour d’autres céréales qu’ils souhaiteraient cultiver, comme le seigle.

Depuis que nous avons distillé un whisky biologique, en 2003, puis un whisky biodynamique, en 2010, nous continuons d’approfondir nos connaissances sur les pratiques de l’agriculture régénératrice. Si notre démarche était premièrement motivée par la recherche de saveurs, les préoccupations environnementales liées à l’agriculture ont pris une place de plus en plus importante au cours des cinq dernières années, et nous ont rendus encore plus conscients de l’impact positif que peut avoir la gestion des sols.

Nous sommes particulièrement séduits par ce que notre parcelle de Shore House Croft peut nous apporter en matière de recherche et de développement. Nous envisageons d’élargir nos connaissances en y réalisant des essais, à moyen ou à long terme. Nous avons la chance de bénéficier de partenariats intersectoriels solides avec le James Hutton Institute, l’Université des Highlands et des Îles écossaises, et le programme de reproduction du « Breadlab » (le « laboratoire du pain ») de l’Université de l’État de Washington (WSU). D’autres distillateurs s’intéressent de près au financement de programmes de doctorat en vue de faire avancer les recherches sur une orge « net zéro », et c’est une stratégie que nous prévoyons d’adopter nous aussi en la ciblant particulièrement sur Islay. 

Par l’intermédiaire de The Botanist Foundation, nous avons été en mesure de contribuer à la préservation de la biodiversité à travers des projets locaux et via le réseau mondial de Botanic Gardens Conservation International (BGCI). Sur notre parcelle, cela s’est traduit par l’aménagement de zones de préservation des fleurs sauvages, des insectes, des oiseaux ou encore des lièvres. C’est avec joie que nous y avons observé un nombre record d’orchidées de l’espèce platanthère à feuilles vertes (platanthera chlorantha) au printemps 2022.

FAVORISER LA BIODIVERSITÉ

Amélioration du drainage, construction de nouvelles clôtures... le travail que nous avons pu accomplir jusqu’à maintenant n’a pas forcément été des plus glamour. Nous nous sommes aussi lancés dans un programme sur cinq ans visant à améliorer la qualité de nos sols par des cultures de couverture et de rapport, en l’occurrence : un mélange de ray-grass, de trèfle blanc, de chicorée et de plantain, dont les racines profondes améliorent la structure des sols. Gordon MacDougall, notre directeur adjoint de la distillerie, y fait actuellement paître ses moutons, qui fertilisent naturellement la terre par la même occasion.

Nous voulons amortir les risques liés à l’essai de nouvelles variétés ou à l’exploration de méthodes différentes. Durant l’été 2019, nous avons effectué des plantations à la main sur plusieurs parcelles de la partie basse de notre terrain, pour hélas essuyer peu après notre premier échec. Ce ne sera certainement pas le dernier, mais nous avons hâte d’appliquer une approche plus systématique, une fois que nous aurons préparé le terrain, en nous appuyant sur les connaissances de nos partenaires universitaires actuels et futurs. 

Ces expériences nous ont permis de mieux apprécier en quoi consiste une bonne pratique agricole, et aidés à comprendre que celle-ci doit être à la fois nuancée et globale. Après tout, nous sommes des distillateurs, pas des agriculteurs ! Nous restons néanmoins portés par la conviction qu’en tant que fabricants de produits de luxe, nous sommes capables et obligés d’assumer la responsabilité de la chaîne de valeur dans son intégralité. Chaque fois que nous découvrons un petit détail susceptible de faire réussir (ou échouer) notre démarche de culture durable d’orge sur l’île d’Islay, nous nous rapprochons de notre but : continuer de faire ce à quoi nous excellons, élaborer un whisky d’Islay authentique qui perdurera dans le temps.