ESSAIS RÉGIONAUX
En 2013, nous avons entrepris de formaliser nos recherches sur le terroir, c’est-à-dire sur les influences que les différents environnements locaux peuvent avoir sur la flaveur d’un spiritueux. Nous nous sommes concentrés sur des fermes individuelles situées dans trois régions d’Écosse continentale. Une dans le nord (The Black Isle) dans la ferme des Jacks, à Kilcoy. Une dans l’est (Aberdeenshire) dans la ferme de Colin Tough, à Barnyards of Delgaty. Et la troisième dans le Sud (Le Lothian) dans la ferme de Tom et Mary Jane Lawrie, à Ransfield. Pour le quatrième point cardinal, l’ouest, nous avons fait appel à l’un de nos agriculteurs partenaires sur l’île d’Islay.
Ces quatre fermes familiales ont mis à profit toute leur expérience de leurs régions respectives et tout leur savoir-faire pour nous fournir de l’orge à malter. Sachant qu’elles travaillent toutes la même semence, de la même variété, provenant du même fournisseur, les variations entre la production d’une ferme et d’une autre sur une année donnée sont aussi limitées que possible. Chaque moisson d’orge est ensuite maltée et distillée séparément, et les déchets recyclables issus de la distillation (les queues) stockés séparément eux aussi en vue de la réutilisation suivante. Le vieillissement est également effectué distinctement pour chaque distillat afin d’observer de quelle façon celui-ci se développe, à la fois latéralement (plusieurs fermes différentes, même récolte) et verticalement (même ferme, différentes récoltes). Nous nous sommes engagés auprès de ces agriculteurs à leur acheter leur orge pour une durée d’au moins dix ans, afin de compiler une collection de stocks de référence.
La variété que les fermes cultivent chaque année est décidée en lien avec nos malteurs, Bairds, et avec le fournisseur de semences Scot Grain. Comme l’explique Allan Logan, notre directeur de production, « c’est une véritable collaboration ». Cette relation a été entretenue au fil du temps par les visites annuelles d’Allan (sauf COVID). Les agriculteurs sont venus nous rendre visite eux aussi, à la distillerie. « C’est excitant d’imaginer où cela nous mènera, après ces dix premières années... », commente Allan.
L’ORGE BERE
L’orge Bere est une céréale historique parfaitement adaptée aux climats nordiques et aux sols sableux. Une variété autochtone impossible à acheter à un marchand de semences. Nous ne nous serions pas aventurés à fabriquer du whisky à partir de cette orge inhabituelle sans l’assistance intellectuelle et pratique de l’Institut d’agronomie de l’Université des Highlands et des Îles écossaises, dans les Orcades. Peter Martin et son collègue John Wishart, avec le soutien de l’entrepreneur Ian Sinclair et de son équipe, cultivent de l’orge Bere dans leurs propres champs adjacents à l’université, depuis l’ouverture de l’Institut en 2002. La première fois qu’ils ont tenté l’expérience, ils ont dû la couper à l’aide d’une moissonneuse-lieuse (une machine ancienne) tant la surface était petite ! Par la suite, ils ont choisi de déléguer la culture expérimentale de leurs graines d’orge Bere à une ferme d’Islay ainsi qu’à des agriculteurs situés près de l’Université, sur les îles Orcades.
Au fil des ans, ce projet a vu la participation d’un grand nombre d’intervenants à travers l’archipel des Orcades. Chaque année, nous prenons habituellement les moissons de quatre cultivateurs, pour atteindre les cent tonnes d’orge Bere que nous souhaitons malter. Magnus Spence, qui pratique le paintball et le trampoline à ses heures perdues, cultive des terres de l’autre côté de la jetée dans sa ferme de Northfield, à Burray. Sydney Gauld, de la ferme de Quoyberstane, située près de l’Institut à Kirkwall, a pris sa retraite l’an dernier. Mais son voisin Erik a pris le relais. Erik, qui est aussi éleveur, s’intéresse beaucoup à l’orge Bere, dont la longue paille, après la moisson, fournit une bonne litière pour son bétail. Certains des champs dont provient notre orge n’avaient pas été cultivés depuis plus de 55 ans. Dans sa ferme « Heatherbell » de South Ronaldsay, Victoria Moar, fille de l’entrepreneur Ian Sinclair, fait pousser de l’orge Bere pour nous depuis plusieurs années.
UNE AGRICULTURE RÉGÉNÉRATRICE
Nous sommes fiers de compter dans notre chaîne d’approvisionnement des cultivateurs qui pratiquent des méthodes d’agriculture régénératrices depuis 2003 déjà. C’est uniquement à la faveur de notre relation de travail étroite avec nos malteurs, Bairds, qui font toujours preuve d’une grande flexibilité, que nous avons commencé à réfléchir d’abord à notre orge et aux gens avec qui nous voulions travailler, et ensuite aux procédés que cela allait impliquer.
Tout a commencé avec William Rose, de la ferme de Mid Coull, dans les Highlands. À 216 kilomètres au nord-est de la distillerie et treize kilomètres de Bairds Maltings (Inverness). Cette ferme est gérée par sa famille depuis plus d’un siècle. En plus de produire une énergie renouvelable, William Rose élève des moutons et des vaches et cultive des haricots, des légumes-racines, du seigle et de l’avoine. Outre ses cultures d’orge à malter, il possède plusieurs parcelles de riches pâturages. Nous avons ensuite travaillé avec trois fermes pratiquant l’agriculture biologique en Écosse continentale en vue de créer des « multi-cuvées » intéressantes : Neil Scobie, qui travaille aussi près d’Inverness, à Coulmore. Martin Birse, à la ferme de Pitgaveny, à Elgin. Et Sir William Roberts, de la ferme Mains of Tullibardine, près de Gleneagles, dans le Pertshire.
Nous voulions approfondir ces méthodes afin d’en étudier les résultats sur les saveurs et les textures de nos whiskies. C’est ainsi qu’en 2010, nous nous sommes mis à la recherche d’un cultivateur d’orge à malter pratiquant la biodynamie. Nous n’en avons trouvé aucun. Nous avons alors cherché dans le reste du Royaume-Uni. Toujours personne. Heureusement, la Fédération Biodynamique Demeter International nous a mis en contact avec un agriculteur du Wiltshire susceptible de répondre à notre demande. Sachant qu’il travaillait déjà de cette manière, il suffisait de le convaincre de se soumettre au processus d’inscription. Richard Gantlett nous a répondu : « Bien sûr, s’il y a un marché à la clé ! » Il nous confie : « Une des raisons pour lesquelles j’aime travailler avec Bruichladdich, c’est parce qu’ils m’ont encouragé à me faire certifier en bonne et due forme. »
L’ORGE D’ISLAY
Historiquement, l’île Islay était réputée pour la qualité de son bétail. Jusqu’à la fermeture de la dernière crèmerie locale, en 2000, de nombreuses fermes de l’île étaient des exploitations laitières. D’après le Forum européen pour la conservation de la nature et du pastoralisme, l’utilisation des terres d’Islay se répartit comme suit : 39 % de « landes fragmentées, de champs broussailleux et de pâturages maigres », 13 % de prairies riches et 7 % d’une « mosaïque de pâturages de rotation et de riches terres arables ». La plupart des agriculteurs qui nous fournissent l’orge que nous distillons ont des exploitations mixtes. S’ils cultivaient déjà de l’orge avant de travailler pour nous, celle-ci était destinée à l’alimentation de leurs animaux. L’élevage ovin et bovin fait encore partie de leurs activités, complété par l’élevage porcin, l’ostréiculture et la location (hôtellerie) saisonnière.
L’orge à malter constitue désormais une autre corde à ajouter à leur arc, avec un marché garanti par la distillerie. C’est en 2004 que nous est venue l’idée de fabriquer un whisky à partir d’orge d’Islay, en partenariat avec un seul agriculteur. Raymond Stewart, qui gérait alors une autre parcelle sur l’île, en cultive à présent pour nous dans sa ferme de Sunderland, près de Loch Gruinart. Depuis peu, il est passé à une forme de labour plus légère.
D’autres fermiers avec qui nous travaillions depuis plusieurs années ont pris leur retraite, mais de nouveaux se présentent chaque année, avec l’idée de planter quelques hectares pour nous. En 2006, le domaine de Dunlossit et Raymond Fletcher ont coopéré avec Bruichladdich et l’Université des Highlands et des îles écossaises dans le cadre d’un projet de culture expérimentale d’orge Bere à Islay. Ce projet s’est poursuivi pendant quatre ans, puis ils ont continué leurs activités sur des variétés modernes. Dès 2007, James Brown, dans sa ferme d’Octomore, près de Port Charlotte, a commencé à cultiver une orge que nous avons tourbée à l’extrême. Nous en faisons notre whisky Octomore, dont la première édition est sortie en 2014 sous le nom d’Octomore 6.3. Hunter Jackson travaille pour nous depuis 2009. C’est aussi lui qui fournit l’île en semences et qui organise à chaque printemps l’analyse d’échantillons des sols envisagés pour y cultiver de l’orge.
En 2009, nous avions dépassé le nombre de dix partenariats avec des cultivateurs d’orge d’Islay. En 2020, nous en étions à 19. Tous réunis, nos agriculteurs locaux nous fournissent maintenant plus de 50 % de l’orge que nous brassons chaque année.
En tant qu’entreprise soucieuse de faire la part des choses entre bénéfices commerciaux et bienfaits pour les hommes et la planète, nous sommes attachés à travailler étroitement avec notre communauté de partenaires fournisseurs. Pour nous, la traçabilité est capitale, mais il nous est tout aussi important d’apporter de la valeur à notre communauté d’agriculteurs.
Pour finir, cette photo de groupe bien représentative du lien si étroit, tissé avec les agriculteurs travaillant au sein des fermes auprès desquelles la Distillerie s'approvisionne, et qui nous tient à cœur. De gauche à droite : L-R Mark French (Ferme Rockside), David ("Hoppy" de son surnom) Hope (Distillateur), Gilbie McCormick (Ferme Claggan), Duncan MacGillivray (Distillation Manager), Mark Reynier (Fondateur), Neil MacTaggart (Distillateur), James Brown (Ferme Octomore), assis: Ian McKerrell (Ferme Island), Iain Torrance (Ferme Starchmill) and Jim "Spot" Logan (Domaine de Dunlossit).VOUS AIMEREZ ÉGALEMENT
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